Loi 2021-1018 " Pour renforcer la prévention en Santé au travail "

Loi 2021-1018 « Pour renforcer la prévention en Santé au travail » datée du 2 Août, a été publiée le 3 Août 2021.

Cette loi transpose, en le précisant, un Accord National Interprofessionnel signé en décembre 2020 par la majorité des organisations patronales et syndicales représentatives.

Voici en quelques paragraphes les grandes lignes de cette réforme dont la plupart des dispositions entreront en vigueur au 31 mars 2022. De nombreux décrets sont en attente de publication, sur certains points, pour une pleine application du texte qui pourra s’échelonner jusqu’en 2024.

Une réforme portant sur 4 axes :

  • Renforcer la prévention et décloisonner la Santé publique et la Santé au travail
  • Définir une offre socle à fournir à nos adhérents
  • Mieux accompagner certains publics vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle
  • Réorganiser la gouvernance des Services de Santé au travail.

1. Renforcer la prévention et décloisonner la Santé publique et la Santé au travail

Le texte, adopté en plein été, renomme les Services de Santé au travail en Services de Prévention et de Santé au Travail (SPST) et leur assigne de nouvelles missions.

Eviter toute altération de la santé des travailleurs ne sera plus la mission exclusive mais la mission principale. Les SPST devront contribuer à la réalisation d’objectifs de Santé publique afin de préserver au cours de la vie professionnelle, un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi. Les SPST poursuivront leurs missions de conseil auprès des employeurs, des salariés et leurs représentants pour améliorer la Qualité de Vie et des Conditions de Travail. Ils participeront à la promotion de la santé globale sur le lieu de travail.

  • Renforcer la prévention

La démarche d’évaluation des risques professionnels incombe à l’employeur au regard de son obligation de sécurité. Cette démarche est désormais inscrite dans la loi.

Le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels - DUERP- devra non seulement répertorier l’ensemble des risques professionnels ainsi que les salariés qui y sont exposés, mais aussi assurer une traçabilité collective des expositions.

De nouveaux acteurs apporteront leur contribution à l’évaluation des risques professionnels : le CSE* et sa commission Santé, les salariés compétents désignés, et le SPST.

Pour les entreprises de plus de 50 salariés, les résultats de cette évaluation devront déboucher sur un programme annuel de prévention et d’amélioration des conditions de travail. Un calendrier de mise en œuvre, accompagné d’indicateurs de résultats et identifiant les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées, devra être mis en place.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les résultats de l’évaluation déboucheront sur la définition d’actions de prévention et de protection consignées dans le DUERP.

Le DUERP ainsi que ses mises à jour devront être transmises au Service de Prévention et de Santé au travail. Les versions successives du DUERP devront être conservées par l’employeur, sur un portail numérique déployé par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives sur un plan national et interprofessionnel ; et tenues à disposition des travailleurs et des anciens travailleurs. Un décret à paraitre précisera la durée de conservation du DUERP, qui ne pourra être inférieure à 40 ans.

Un passeport de prévention devra être créé au plus tard le 1er Octobre 2022 pour chaque salarié. Il recensera les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations suivies en santé et sécurité au travail. Il sera renseigné par l’employeur, le salarié et les organismes de formation.

La formation des membres de la Commission Santé du CSE sera renforcée : 5 jours pour le premier mandat, 3 jours en cas de renouvellement. Les salariés désignés compétents bénéficieront de la même formation que les membres élus du CSE.

  • Décloisonner la Santé publique et la Santé au travail

Le médecin du travail en charge du suivi d’un salarié pourra accéder, avec l’accord de celui-ci, à son dossier médical partagé et l’alimenter. De même réciproquement les professionnels de santé participant à la prise en charge du travailleur pourront au plus tard au 1er janvier 2024 consulter certaines informations du volet du dossier médical Santé travail.

 

2. La définition d’une offre socle à fournir à nos adhérents et un financement maîtrisé des SPST

Les SPSTI** devront fournir aux entreprises adhérentes et à leurs travailleurs « un ensemble socle de services qui doit couvrir l’intégralité des missions » assignées par la loi. Ce socle sera défini par le Conseil National Prévention de Santé au Travail et approuvé par voie règlementaire. Au-delà de cette offre, le SPSTI pourra proposer une offre de services complémentaires qui lui reviendra de définir.

Le financement des SPSTI reste inchangé « les dépenses afférentes aux Services de Santé au travail restent à la charge des employeurs ». Néanmoins, au sein des SPSTI, les services correspondants à l’offre socle feront l’objet d’une cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs suivis, chacun comptant pour une unité. Les services complémentaires proposés feront l’objet d’une facturation sur la base d’une grille tarifaire approuvée par l’assemblée générale du service.

Enfin chaque SPSTI sera agréé par l’administration, l’octroi de cet agrément tiendra compte d’une procédure de certification visant à évaluer, entre autres, la qualité et l’efficacité du service rendu, l’organisation du service, la gestion financière du service.

 

3. Des mesures adoptées en faveur de salariés vulnérables et de la lutte contre la désinsertion professionnelle

Mieux accompagner certains publics vulnérables tel est le 3ème volet de cette loi. Les principales mesures prises dans ce cadre prévoient de nouvelles visites et l’obligation de création d’une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle.

  • Création d’une visite de mi carrière, prévue dans la 45ème année du travailleur, avec pour objectif d’établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, en tenant compte des risques d’exposition. Le médecin évaluera les risques de désinsertion professionnelle et sensibilisera le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail.
  • La mise en place d’un rendez-vous de liaison avec l’employeur pour les salariés en arrêt prolongé, associant le SPSTI. Ce rendez-vous aura pour objectif d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle et d’un examen de pré reprise.
  • De la visite de fin de carrière à la visite post exposition. Actuellement prévue pour une réalisation lors du départ à la retraite du salarié, cette visite devra être programmée au plus tard à cette date mais plutôt dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition à certains risques dangereux, notamment chimiques. Le médecin devra obligatoirement mettre en place un suivi post professionnel avec le médecin traitant et le médecin conseil de la sécurité sociale.
  • Chaque SPST devra mettre en place une cellule de prévention pluridisciplinaire de la désinsertion professionnelle. Cette cellule aura pour objectif d’agir pour le maintien en emploi des salariés touchés par des problèmes de santé (identification de situations individuelles, propositions d’action de sensibilisation, d’aménagement, d’adaptation ou de transformation des postes de travail).

Largement développée au cours de la pandémie de COVID, la pratique de la télé médecine du travail sera possible par les professionnels de Santé pour le suivi du travailleur sous réserve de son accord express.

Le périmètre de la prise en charge du suivi santé travail est élargi aux chefs d’entreprise, qui bénéficieront des services de l’offre socle, mais aussi aux travailleurs indépendants à qui une offre de services spécifique sera proposée.

 

4. Réorganiser la gouvernance des Services de Prévention et de Santé au travail.

Suivant une nouvelle écriture des articles L4622-11 et L4622-12 du code du travail, le Service de Prévention et de Santé au travail est administré paritairement par un conseil, et organisé et géré par une commission composée : 

  • De représentants des employeurs désignés par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnels parmi les entreprises adhérentes.
  • De représentants des salariés des entreprises adhérentes, désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Le trésorier et le vice-président du Conseil d’Administration seront élus parmi les représentants des salariés. Les représentants des employeurs et des salariés ne pourront pas effectuer plus de deux mandats consécutifs.

 

Pas moins de 47 décrets sont attendus d’ici mars 2022, afin de mettre en œuvre toutes les dispositions prévues par cette loi. Si son application globale est prévue au plus tard le 31 mars 2022, certaines dispositions nécessitent encore la publication de textes règlementaires pour une application qui pourra être échelonnée jusqu’en 2024.

Les Services de Prévention et de Santé au Travail Interentreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes ne manqueront pas de vous tenir informés de l’avancée de cette réforme et de son application.

 

CSE* : Comité Sociale et Economique

SPSTI** : Service de Prévention et de Santé au Travail Interentreprises.

Rédaction : Jany LASSERRE-RAMPON, Juriste en Droit du Travail, spécialisée en Droit de la Santé au travail – AGEMETRA 69.

 

Illustration : photo Assemblée Nationale. 

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